Les filières
La filière céréale
Présentation de la filière
Céréales
Production et consommation
Cultures pluviales (mil, maïs, sorgho)
Le mil tolère la sécheresse, un faible niveau de fertilité des sols et des températures élevées. Il peut être cultivé dans des zones ayant une pluviométrie variant entre 200 et 800 mm par an. On distingue les mils hâtifs ou précoces (75 à 100 jours), comme le souna et les mils tardifs (110 à 150 jours) comme le sanio (Broutin, 2003). Le mil est cultivé principalement au centre du pays plus connu sous l’appellation du Bassin arachidier couvrant les régions de Kaolack, de Louga, de Diourbel, de Thiès. Il est aussi cultivé dans la région de Tambacounda. Le sorgho est produit à l’est du Bassin arachidier, au Sud dans la région de Kolda, notamment dans le département de Vélingara et dans la Vallée du Fleuve Sénégal en raison des habitudes alimentaires des ménages ruraux de ces zones.
La culture du maïs, plus exigeant en eau, se développe principalement dans les régions de Tambacounda, de Kolda et de Kaolack. Le programme « maïs » initié en 2003 par le gouvernement avait diffusé la culture dans toutes régions du Sénégal mais l’effet recherché n’a pas été atteint. Les importations de maïs sont encore élevées notamment pour répondre aux besoins de l’alimentation animale (12 milliards FCFA en 2009) (Ndione, Broutin, et al. 2012).
La production annuelle de mil (et sorgho) varie entre 400 et 600 000 tonnes avec des rendements moyens faibles de l’ordre de 630 kg/ha sur les quinze dernières années. La faiblesse des rendements est liée à un épuisement des sols et à un apport faible d’engrais (réservé plutôt à l’arachide), à la baisse de la pluviométrie, à des maladies (mildiou, charbon et ergo), des insectes (mineuses, foreurs et cantharides), des mauvaises herbes (striga hemonithica) mais également à la faible utilisation de technologies appropriées et un manque d’encadrement des producteurs (ISRA, ITA, CIRAD, 2005).
Le mil est la base de l’alimentation des ménages ruraux dans le bassin arachidier malgré une percée notable du riz dans les habitudes alimentaires. Il est consommé essentiellement sous forme de coucous, de bouillies à base de farine ou de semoule. Le mil est donc avant tout une culture vivrière mais qui tend à devenir également une culture de rente en raison d’une demande importante des zones agricoles déficitaires et de la capitale Dakar où sa consommation, après avoir fortement décliné, semble reprendre grâce à la mise en marché de produits plus rapides et faciles à préparer proposés par des petites entreprises.
Riz, principale culture irriguée
Le riz est l’aliment de base des sénégalais. Il s’est fortement substitué aux céréales locales (mil sorgho, maïs), en milieu urbain mais aussi en milieu rural et représente aujourd’hui plus de 50 % de la consommation des ménages en céréales. Les ménages dépensent en moyenne 8 % de leurs revenus dans l’achat du riz (Gergely, Barris, 2009). Les sénégalais consomment surtout du riz brisé auquel ils se sont habitués depuis la colonisation (importation des sous-produits de la transformation du riz d’Asie).
Le système de production irrigué est pratiqué dans la vallée du fleuve Sénégal (au Nord) où d’importants investissements ont été réalisés depuis 40 ans et dans le bassin de l’Anambé (au Sud). Le potentiel du pays en terres irrigables est de 240 000 ha dans la vallée du fleuve Sénégal et d’environ 16 000 ha dans le bassin de l’Anambé. Les superficies aménagées représentent moins de 2,5% du potentiel irrigable. Le riz pluvial se retrouve dans les régions de Ziguinchor, de Kolda et marginalement de Tambacounda (Benkahla, Broutin, Faye, Gueye- Gret, Fongs, 2014).
La production a progressé ces dernières années de 190 500 tonnes de paddy en 2006 à près de 400 000 tonnes en 2009/2010. Les effets cumulés d’une augmentation des superficies emblavées (par des investissements massifs dans les ouvrages hydroagricoles), de l’intensité culturale et des rendements (notamment en contresaison) sont à l’origine de cette augmentation. Cependant la production locale reste en deçà de la demande ne couvrant que 50 à 60 % des besoins. Les importations de riz ont progressé à un rythme de 5% par an depuis 1990. Elles varient aujourd’hui entre 700 et 800 000 tonnes par an, entraînent des sorties de devises de près de 200 milliards CFA.
Localisation des zones de production (IRD)
Transformation
Mil, maïs
Le secteur de la transformation des céréales « sèches » (pluviales) est caractérisé par l’activité de PME semi-industrielles et d’artisans (micro entreprises individuelles et groupement). La gamme des produits est assez diversifiée : semoule, couscous, arraw, farines infantiles dans des conditionnements (sachets) souvent référencés au nom de chaque entreprise de transformation. Le produits sont proposés sur le marché local sous forme de produits secs ou frais, et à l’exportation sous forme de produit sec.
Le secteur artisanal marchand est représenté par de nombreuses femmes qui produisent du couscous vendu frais (cuit et prêt à consommer), en vrac, le soir dans les rues de Dakar et des villes secondaires. Elles ont recours aux ateliers de prestation de service pour la mouture et le décorticage et utilisent le matériel domestique pour les autres opérations (vannage, roulage, tamisage, cuisson). Elles valorisent ainsi un savoir-faire traditionnel pour obtenir un petit revenu journalier. La maitrise des procédés (avec une phase de fermentation et opération de cuisson) et la vente rapide limitent les risques sanitaires. On classe également dans ce secteur, la restauration de rue (plats à consommer sur place ou à emporter). Le développement de cette activité réside dans son accessibilité physique (étals aménagés sur les grandes artères des rues, dans les marchés, calebasses et assiettes aménagées devant les maisons) et financière (bas prix, possibilités d’acheter des quantités variables en fonction des ressources disponibles,..). Cependant ces activités artisanales ne dégagent que de faibles revenus (excepté lors de commande pour des cérémonies) et la possibilité de les accroitre sont limitées sans investissement relativement important pour pouvoir créer une petite entreprise, avoir un local, des équipements,.. (Ndione, Broutin, et al. 2012)
Le secteur artisanal de prestation de services est resté très longtemps limité à la mouture (production de farine) avant de s’étendre au décorticage surtout dans les moyennes et grandes villes du pays. Ce secteur s’est largement développé grâce à la diffusion massive des moulins au Sénégal.
Les moulins communautaires (gérés le plus souvent par les groupements féminins) ont été initiés d’abord dans le cadre de programme d’allègement des travaux domestiques de femmes rurales au début des années 80. Leur large diffusion dans les campagnes s’est faite grâce à l’intervention de bailleurs de fonds, de projets, d’ONG et d’hommes politiques lors des campagnes électorales.
Les ateliers de mouture privés offrent les mêmes services (décorticage et mouture). Ils sont très présents dans les grandes villes (Dakar, Thiès, Kaolack, Saint-Louis, Touba, etc.) et un peu moins dans les villes moyennes et les villages. Ces ateliers sont équipés d’une ou plusieurs machines manipulés par le meunier (propriétaire ou salarié) aidé d’un ou plusieurs apprentis. La plupart des moulins et décortiqueuses sont fabriquées localement grâce à plusieurs projets d’appui aux artisans-métal. Ceci permet de limiter les couts d’achat et de disposer de réparateurs à proximité des ateliers. (Ndione, Broutin, et al. 2012)
Ces deux dernières années, les industries de transformation du lait en poudre ont développé un marché du thiacry (granules de farine de mil et lait caillé) qui a créé une nouvelle demande en produits céréaliers de qualité (faible taux d’impureté, homogénéité des grains). Certaines s’approvisionnent auprès de ces petites entreprises ou développent une activité de transformation artisanale du mil (Ndione, Broutin, et al. 2012).
A noter qu’il existait une activité industrielle, il y a quelques années avec la production de semoule et de farine de mil produites par les Moulins Sentenac qui ont abandonné cette activité. Elle avait été fortement soutenue par les bailleurs de fonds, en raison de difficultés d’approvisionnement (régularité, volume) et de rentabilité. Le marché a été repris et développé par des petites entreprises qui arrivent mieux à gérer leurs approvisionnements (volumes plus petits et relations avec le milieu rural ou commerçants grossistes) et ont des coûts de production moins élevés.
Riz
La transformation du paddy est réalisé dans par des décortiqueuses artisanales, souvent en prestation de service, ou au sein d’unités semi-industrielles (mini-rizeries) ou industrielles. On dénombre actuellement environ 350 décortiqueuses artisanales fonctionnelles dans la région de Saint Louis, ainsi que de nombreuses mini-rizeries, qui produisent un riz d’une qualité équivalente à celle des rizeries industrielles (Benkahla, Broutin, Faye, Gueye- Gret, Fongs, 2014).
Les mini-rizeries sont souvent destinées à réaliser un travail «à façon» en prestation de service pour les producteurs ou les commerçants. Elles sont très proches des décortiqueuses artisanales dans la mesure où elles n’effectuent pas le triage car souvent la clientèle à laquelle elles s’adressent n’exige pas cette opération. Cependant dans les mini-rizeries, les opérations de décorticage et de blanchiment sont souvent séparées, ce qui conduit à un meilleur rendement et un taux de brisures plus faibles qu’avec les décortiqueuses artisanales où les deux opérations sont réalisées en même temps (une seule machine). Les unités artisanales produisent environ 60% du riz blanc de la vallée est issu des unités artisanales. (Benkahla, Broutin, Faye, Gueye- Gret, Fongs, 2014).
Circuits de commercialisation
Circuits de commercialisation du mil
Des circuits souvent longs permettant de collecter une offre dispersée. La commercialisation du mil a pris de l’ampleur avec des échanges très actifs à l’intérieur du pays. On note d’importants flux céréaliers quittant les régions excédentaires, notamment Kaolack, Tambacounda, et Kolda pour approvisionner les régions du Nord, notamment Saint-Louis et Louga, de l’Ouest et du Centre Ouest (dont Dakar et Thiès), du Centre-Est (Diourbel et Touba). Plusieurs centres commerciaux de céréales se sont développés à l’intérieur du pays autour des ?loumas ? (marchés ruraux hebdomadaires) où viennent s’approvisionner les commerçants de l’intérieur du pays. On note également que le dynamisme du marché de Touba a entraîné une multiplication des centres de régulation aussi bien du commerce de l’arachide que de céréales et du niébé (Gueye O., 2006).
Ces échanges mobilisent plusieurs acteurs organisés au niveau de la collecte primaire et du transport des produits : les collecteurs (bana-bana), les grossistes et semi-grossistes, les coxeurs ou rabatteurs, les détaillants, les transformateurs et ateliers de moutures en prestations de service. Les bana-bana assurent la collecte au niveau des villages ou à l’entrée et à l’intérieur des loumas. Ils travaillent le plus souvent en réseau avec les grossistes établis au niveau des marchés de Kaolack et Touba, qui se déplacent rarement. Ces grossistes approvisionnent d’autres grossistes établis dans les zones déficitaires (Saint Louis, Dakar, Thiès), des détaillants et des transformateurs. Les producteurs peuvent également vendre directement aux grossistes, aux détaillants ou aux transformateurs ou aux consommateurs finaux. Les femmes sont peu présentes dans la production ainsi que dans le commerce de gros mais sont nombreuses dans le commerce de détail et surtout la transformation artisanale.
La commercialisation est relativement bien organisée et permet de collecter une production dispersée (faibles quantités proposées par de nombreux producteurs) mais les intermédiaires sont nombreux et les circuits longs. Ceci entraîne des marges de commercialisation relativement élevées et un différentiel de prix important entre le producteur et le consommateur final. De nombreux ménages ruraux vendent leur production à la récolte pour faire face aux besoins en numéraire et sont dans l’obligation de racheter du mil au moment de la période de soudure (hivernage) à des prix très élevés.